Notre histoire de vie a-t-elle un sens ? Le
sens ne se réinvente-t-il pas, de manière différente, chaque jour de
notre vie ? De ce fait, un projet d'histoire de vie qui n'enferme pas le
sujet est-il encore tenable ? Plutôt que de s'inscrire dans une
perspective historique, la démarche biographique ne serait-elle pas à
orienter dans le sens d'une anthropologie philosophique du sujet ?
Telles
sont les questions qui sous-tendent cet ouvrage, produit d'une
rencontre entre une théoricienne et praticienne des histoires de vie,
Christine Delory-Momberger, auteur de Les histoires de vie, de
l'invention de soi au projet de formation (Anthropos, 2000) et de Remi
Hess, anthropologue, praticien de l'analyse institutionnelle.
La
solution adoptée est l'exploration des «moments» que Remi Hess se
construit tout au long de sa vie, comme ressources pour redéployer
constamment le sens ou plutôt les sens de sa vie. L'histoire de vie
devient alors une «clinique» des moments, un effort pour les décrire,
pour les articuler, et ainsi dégager des «possibles». Penser, c'est
partir des résidus, du résiduel qui ne parvient pas à trouver sa place
dans une logique hypothético-déductive. La théorie de moments, acceptant
la dissociation du sujet, ainsi que le jeu de l'implication et de la
transduction, renonce à la construction d'une identité close.