Au moins depuis le XIIIe siècle pour les immeubles, et à partir de la fin du XIXe siècle pour les meubles, les droits réels sont régis par la loi de situation physique de la chose matérielle qu'ils ont pour objet. Cette règle prétorienne, issue de la tradition du « statut réel » et universellement admise à l'étranger, est actuellement contestée à cause des solutions inopportunes qu'elle apporte à de nombreuses situations concrètes de conflit de lois. En raison de l'instabilité du rattachement en matière mobilière, la règle empêche l'élaboration d'un régime sûr et prévisible des droits réels d'origine conventionnelle. En raison de l'étanchéité de son domaine, de nombreuses prétentions légitimes à l'extra-territorialité - en matière de trusts, de protection des biens culturels, de faillite - ne peuvent être honorées. Des signes discrets sont donnés, en droit conventionnel et en droit comparé, d'un déclin du principe de territorialité, favorable à l'internationalisation et à la diversification du régime des opérations transfrontalières de droit des biens. Cette thèse entend accompagner ce mouvement de spécialisation, par une analyse théorique générale des fondements et du fonctionnement particulier de la règle de droit international privé. Justifiée par la finalité du droit interne et par la position de force de l'État de situation pour la réalisation contraignante des droits réels, la règle pourrait sans difficulté évoluer vers un système de référence à l'ordre juridique de situation actuelle de la chose, prioritairement compétent pour assurer la police des droits réels, complété par le jeu de rattachements subsidiaires, notamment à la loi librement choisie par les parties.