Et pourtant, « Surprise ! Les Soviétiques avaient presque gagné la guerre en Afghanistan ». Voilà une opinion particulièrement surprenante mais dont la réalité fut surtout occultée pour les besoins de la guerre froide et l'exploitation stratégique de la soi-disant défaite des forces soviétiques. Cependant, l'étude analytique et objective de ce conflit se révèle incontournable pour comprendre la réalité des opérations qui démontrèrent une fois de plus que les capacités militaires de Moscou se révèlent régulièrement innovantes, surprenantes et souvent efficaces. Empêtré dans un conflit qu'il voulait maintenir à un niveau « limité », Moscou se trouva politiquement dépassé par l'engagement résolu des États-Unis et du Pakistan qui exploitèrent ses faiblesses pour discréditer l'URSS et ses forces armées à travers un parfait modèle d'engagement stratégique indirect.
La guerre d'Afghanistan se situe à l'origine des bouleversements qui ne cessent de secouer l'ancien empire russo-soviétique. Connaître la réalité de la guerre soviétique en Afghanistan permet déjà de comprendre les moteurs de la réaction stratégique russe initiée en 1999 avec la deuxième guerre de Tchétchénie. Vingt ans après l'entrée des forces soviétiques en Afghanistan, Moscou y marqua alors sa volonté de mettre un terme aux abandons et aux renoncements.
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Saint-Cyrien et officier de cavalerie, le colonel Philippe SIDOS a accumulé une expérience militaire et diplomatique initiée dès 1993 dans les Balkans puis dans le Caucase en 1997. Breveté de l'École de guerre, diplômé de l'INALCO et docteur en histoire, il a été affecté comme attaché militaire à Moscou à partir de 1999, et dès l'automne 2001 au Tadjikistan pour y soutenir l'engagement initial français en Afghanistan. Il a depuis servi en état-major interarmées national, ensuite comme attaché militaire au Kazakhstan et au Kirghizstan de 2005 à 2008 avant de rejoindre pour trois ans l'état-major opérationnel de l'OTAN en charge de l'opération en Afghanistan. Il a également effectué des séjours opérationnels en RCA et au Congo.