La guerre de 1898 qui opposa les États-Unis et l'Espagne pour la possession des dernières bribes de l'empire espagnol présente un caractère particulier. C'est à la fois un conflit mineur de courte durée, quelques semaines, et assez peu meurtrier, mais aussi - et surtout - un conflit qui va modifier la géopolitique mondiale. L'Espagne retombe au rang de nation européenne dépouillée de ses possessions et en proie à une crise morale qui durera jusqu'en 1940 ; les États-Unis accèdent au rang de puissance mondiale grâce en particulier à l'action remarquable du président Théodore Roosevelt. Dotés d'une base théorique que constitue « la doctrine de la Destinée manifeste », d'une puissance économique et démographique déjà mûre et en train de constituer une marine qui feront d'eux la troisième puissance maritime mondiale, les États-Unis commencent cette ascension au terme de laquelle ils deviendront, moins d'un siècle plus tard, la principale puissance mondiale.
L'auteur décrit, au moyen de sources manuscrites et d'une bibliographie dépouillées pour l'essentiel aux États-Unis, cette évolution peu analysée dans notre pays. Il laisse entrevoir les limites à la domination américaine. En effet, si les États-Unis ont conquis à peu de frais les anciennes colonies espagnoles, ils n'ont jamais été capables d'y installer un régime politique stable et démocratique conformément à l'idéal des Pères fondateurs : les Philippines connaissent depuis 1898 la guerre, localisée géographiquement certes, mais toujours présente et, à Cuba, le régime actuel n'est que l'aboutissement d'une suite de régimes forts qui se sont succédé durant le XXe siècle.
* * *
Jean-David Avenel est professeur des universités (Université de Paris XII-Val de Marne) et président de la Commission française d'Histoire militaire. Il est l'auteur de nombreux articles et ouvrages.